Mise en scène
par Miguel Fernandez-V
Né un 17 mai en 1963 à Barcelone. Miguel Fernandez-V entre à la défunte section professionnelle d’art dramatique (SPAD) du conservatoire de Lausanne et en obtient le diplôme en 1990. De 1990 à 2000, il travaille régulièrement sur les planches des différentes scènes suisses romandes avec quelques incursions en France et plus particulièrement en Franche-Comté. Puis, il prend de 2000 à 2004 la direction du théâtre Le Caveau, et de 2004 à 2013, il dirige le Théâtre Pitoëff à Genève avec sa troupe du Théâtre en Cavale. Il travaille depuis quelques années à des lectures publiques.
Pourquoi ce choix ?
En général, le propos du dit metteur-en-scène parlera essentiellement de la forme, forcément novatrice, que prendra le spectacle, du style de jeu qu’il demandera à ses comédien(ne)s et d’une poétique conjuguée à une politique qu’il déclinera en direction d’un idéal artistique auquel il tient et qu’il voudra défendre et promouvoir.
Ici, non.
Il n’y a pas de mise en avant d’un idéal artistique ; du moins ce n’est pas la priorité. Il y a une vérité à proclamer. Ce spectacle est avant tout un cri d’alarme, un rappel de l’histoire, de cette histoire que, disait le sage, on est obligé de revivre tant qu’on en n’a pas tiré les leçons.
Oui, en Suisse, un acte d’une sauvagerie, d’une cruauté, d’une stupidité incompréhensible a eu lieu. Oui, au pays de la Croix-Rouge, au pays de l’accueil et de la sérénité alpine où s’annoncent les brillants réveils, des hommes se sont réunis pour en assassiner un autre au nom d’une idéologie brunâtre.
Cette histoire est assez sordide et écœurante en soi et peut-être nous suffirait-il de la narrer.
Mais nous sommes au théâtre. Dès lors, cette histoire prend une dimension autre. Raconter cette histoire tel quelle ne peut qu’entraîner une réaction émotionnelle, voire viscérale, épidermique de la part du public. Nous, nous voulons plus. Nous voulons que le public prenne position, qu’il décide en son âme et conscience. Mais pour cela, il lui faut prendre connaissance des éléments de l’histoire, des faits, des mobiles et des buts recherchés. Il lui faut comprendre ce qui a amené ces hommes à devenir des tueurs. Et il doit en prendre connaissance par le biais d’un narrateur qui soit à la fois le garant de l’objectivité des éléments qui ont conduit à cet acte et à la fois le porte-parole d’une société qui ne peut accepter en son sein ce comportement barbare.
C’est pourquoi, nous avons défini un narrateur spécifique. Inspiré par le roman de Chessex, notre création placera le public au sein d’un tribunal. Il assistera à la fin d’un procès, celui qui fut intenté contre les meurtries de Payerne. Seul, face à lui, se dressera le Procureur, lui qui en tant que représentant et défenseur de la loi, c’est à dire de l’État, c’est à dire de la Société, c’est à dire des valeurs qui permettent aux femmes et aux hommes de cette Société de vivre ensemble, cet homme donc, ce Procureur, au nom de tous, va reprendre les éléments du drame, sa chronologie et demandera à chaque personne présente qu’en son âme et conscience, elle prenne position, qu’elle condamne les meurtriers. Ou non.
Alors, faut-il une forme théâtrale, dramaturgique, scénique à ce projet ? Oui. Celle qui permettra au spectateur, non pas d’être ému ou choqué, mais surtout de prendre conscience que plus de cinquante ans après, il est encore fécond le ventre de la bête immonde et qu’on ne peut pas se contenter d’en prendre note…